Le diabète et sa psychologie

SAVOIRQ 24 Janvier/Février/Mars 2013 – Petite Enfance n° 18 – santé log rebelle », ce qui conduisit la mère à une psycho- thérapie analytique pour elle-même. En d’autres termes, la pathologie de l’enfant vient immanquablement réveiller les traumatismes infantiles de la constellation parentale. Il a donc été ici invoqué une dépression trans- générationnelle. Aujourd’hui, on parlerait de troubles de la construction identitaire lié à une désorganisation du narcissisme, à l’emprise d’un fonctionnement psychique « opératoire » (centré sur le concret et l’actuel, au détriment de la vie fan- tasmatique) et à la difficulté à se confronter au conflit œdipien, ce qui conduit bien souvent à assi- miler l’insuline au père et le sucre à la mère. • • M. Manciaux avait insisté ainsi sur l’instabilité de l’humeur, le manque de confiance en soi, l’inhibi- tion intellectuelle et les difficultés à gérer efficace- ment les situations stressantes. De même, G. Bleger mit, lui, au cœur de la personnalité diabé- tique infantile une organisation anxieuse, voire dépressive. On retrouve ces aspects dans la des- cription plus récente des relations entre un jeune enfant diabétique et sa mère par M. Keren. Cet enfant, âgé de 1 an et 4 mois lors de la première consultation, présentait aussi des spasmes du sanglot ainsi qu’un important retard de dévelop- pement. Sa mère était une très jeune femme triste ayant un passé d’adolescente anorexique et dia- bétique et son père, plus âgé, un être facilement excédé par les difficultés de son fils. De fait, leur enfant compliquait les relations intra-familiales au plan alimentaire au point de devenir un « enfant Chez l’enfant, une fragilité affective prédisposante C’est surtout à partir des années 1960/70, que l’on a mis en avant cette fragilité affective, facteur de développement du diabète, caractérisée par une forte émotivité. A lire sur le web www.santelog.com/id1819 Je me souviendrai toujours d’une patiente de vingt ans, venue me consulter pour ses crises de bou- limie, une patiente qui avait eu des relations incestueuses avec l’un de ses frères pendant deux ans à partir de ses huit ans et qui avait subi un viol à l’âge de quinze ans de la part d’un ami de son père. Elle n’avait jamais parlé de ces deux traumatismes auparavant. Elle ne put d’ailleurs les aborder dans le cadre de la psychothérapie hebdomadaire mis en place qu’au bout de deux ans. C’est alors qu’elle associa d’elle-même sa compulsion masturbatoire et son développement d’un diabète insulino-dépendant depuis quatre ans avec ces deux traumatismes. J’ai reçu pendant trois ans en psychothérapie hebdomadaire un jeune garçon diabétique âgé de 8 ans. Il m’avait été adressé par un service hospitalier ses parents ne parvenant plus à supporter qu’il « rechigne » (sic) de plus en plus à suivre son traitement. Je rappellerai ici que le mot « rechigner » signifie étymologiquement : manifester sa mauvaise humeur en montrant ses dents, râler à nouveau par chagrin et répugnance, geindre. Bien évidemment, j’ai dû préalablement dire aux uns et aux autres que je n’étais pas là pour opérer une contrainte ou une éducation, mais que je pouvais seulement m’engager à être là pour parler avec lui de tout ce qui était difficile dans sa vie. Nous avons donc ensemble dessiné, joué à la pâte à modeler, aux voitures et aux marionnettes. Nous avons rencontré grâce à ces médiations l’occa- sion de parler de ses phobies (notamment du dentiste !), de ses sentiments ambivalents à l’égard des images parentales, de sa jalousie vis-à-vis de sa jeune sœur, de ses craintes de grandir et de mourir. Nous avons même « découvert » ensemble l’existence d’une sœur décédée in utero deux ans avant sa nais- sance dont ses parents ne lui auraient jamais parlé...Ce n’est donc qu’ « accessoirement » que nous avons discuté de sa maladie. Compte tenu de son âge (période de latence), j’ai plus fait des commen- taires que des interprétations et, en tout état de causes, pour tous les patients, enfants et adultes, il convient d’abord de respecter leurs défenses, car ce sont aussi des processus d’adaptation. Au-delà de séances parfois « vides » et de celles proches du « fading » (absence, évanouissement, éclipse du sujet), manières d’extérioriser les affres de toutes les séparations, à commencer par celle de la naissance, l’es- pace privé ainsi aménagé me semble avoir contribué à aider cet enfant d’apparence timide et triste à oser s’exprimer et à avoir davantage confiance en lui. Après deux ans de prise en charge, lors d’une rencontre avec ses parents (je reçois ceux-ci seulement une fois par an, toujours en présence de l’intéressé), ceux- ci m’ont rapporté que leur fils avait beaucoup mûri, voire « trop ! » ( ?), qu’il portait sans problème un appareil dentaire, qu’il avait de meilleurs résultats scolaires et de nouveaux copains et même des copines (il n’en avait pas avant, en réalité, et il en souffrait secrètement !) et, surtout, qu’ il avait dorénavant « pris en main son destin de diabétique ». Toutefois, j’ai dû leur dire que je pensais que la psychothérapie devait encore se poursuivre, ce à quoi acquiesça le garçonnet avec un large sourire. Ce que nous fîmes donc pendant encore une année. Quelques cas cliniques

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