Le diabète et sa psychologie

santé log – Petite Enfance n° 18 – Janvier/Février/Mars 2013 23 Ali montre que c’est toute l’image du corps qui était déjà fragilisée chez le futur diabétique. Il en résulte fréquemment un passé de gaucher contrarié, de maladies infectieuses et allergies diverses et d’éjaculateur précoce. Le diabète venant après-coup authentifier et fixer le corps malade dans l’esprit du sujet. Mais il n’est pas certain qu’il existe un profil de personnalité diabétique : Je me limiterai à un commentaire : il est difficile de faire la part dans ces remarques cliniques entre ce qui relèverait d’une signification étiologique et ce qui tiendrait au résultat des symptômes. Autrement dit, qui est venu le premier, l’œuf ou la poule ? De plus, il n’est pas assuré qu’il existe un profil de person- nalité diabétique. Nos connaissances demeurent, à ce jour, insuffisantes pour répondre à la ques- tion. Toutefois, il peut être considéré comme acquis, dans la perspective psychanalytique, que le diabète constitue une défense psychique pre- nant ses racines dans les processus organiques eux-mêmes, processus sollicités dés les pre- mières années de la vie, voire dès la période néonatale. Comme l’a montré J. Mc Dougall, tout se passe alors comme si, devant un danger psychique difficilement représentable, le corps réagissait en considérant qu’il s’agit d’une menace d’hypoglycémie. • • identifications ambivalentes exagérées à la mère. Cela pourrait contribuer, chez l’homme, à accen- tuer la bisexualité et, chez la femme, à refuser la fonction procréatrice. Selon F. Dunbar, autre pré- curseur américain, adepte d’une sorte de carac- térologie propre à chaque type de maladie, le diabétique se caractériserait surtout par une incapacité à dépasser la dépendance infantile pour atteindre l’autonomie adulte. Ainsi serait-il passif, indécis, soumis, voire masochiste. Pour S. Nacht, un des pionniers français de la psychana- lyse appliquée à la médecine, il y a chez le diabé- tique un besoin oral intense infantile de l’ « objet ». Mais, bien qu’il ressentirait que cet objet de satis- faction entraîne une dépendance et s’avère potentiellement destructeur, d’où une forte anxio- sité mélancolique permanente, il s’ensuivrait une dépendance excessive de l’autre, nourriture et insuline. Au-delà des affects de culpabilité et de peur, ou plus exactement pour les apaiser, cette faim du mauvais objet pourrait même aller jusqu’au coma. Plus près de nous, M. Odoul a incriminé une figure paternelle autoritaire qui mènerait le sujet à chercher refuge dans l’alimentation, soit un rap- pel symbolique de la protection maternelle. M-C. Defontaine-Catteau a insisté de son côté sur les importantes composantes auto-agressives et hétéro-agressives refoulées. Pour sa part, Sami- Cette institutrice, devenue directrice d’école, âgée de quarante ans, sans enfant, est venue en cure psychanalytique suite à ses déboires successifs dans ses relations affectives et sexuelles. Elle n’arrive pas à nouer une relation stable avec la gente masculine. En réalité, elle m’informera, au bout de trois mois, qu’elle a un diabète découvert il y a peu qui la questionne sur son existence. Cela a coïncidé avec la retraite de ses parents. A leur sujet, elle parle de deux personnes « sans impor- tance » mais souffrant de maux divers (je n’en saurai pas plus, même si j’ai pu supposer deux personna- lités dépressives). Pour parler de sa vie, passée et présente, elle utilise un discours factuel. A chaque séance, elle me rapporte ainsi le déroulement de ses journées. Je ne pourrai m’empêcher au fil des années de songer à la personnalité « opératoire » des malades décrits par l’Ecole Psychosomatique de Paris. L’analyse semble stagner. Il y a peu d’événements marquants et la fantasmatisation reste pauvre, hormis l’étonnement devant les films pornographiques diffusés par une chaîne payante. En réalité, ma patiente semble vouloir chercher à faire partie de la « norme ». Elle n’évoquera jamais les contraintes occasionnées par la surveillance de son diabète, hormis en réponse à quelques allusions de ma part. J’ai encore essayé de la faire associer sur les signifiants « chocolat » et « sucre » dont elle s’était dite friande, en vain. Après cinq ans au rythme de trois séances hebdomadaires, cette patiente s’estimant aller mieux grâce à moi ( !) arrêta sa psychanalyse. Depuis, dans la mesure où je débutai alors mon exercice profes- sionnel libéral, je ne cesse de me demander si, aujourd’hui, je prendrai une telle patiente en cure « clas- sique » ou si, plutôt, je lui proposerai une psychothérapie en face à face... Je me souviens encore du patient adolescent dont m’a parlé pendant plusieurs séances de supervi- sion clinique une infirmière hospitalière. Ce dernier l’interpellait parce qu’il ne voulait plus ni contrôler sa glycémie ni s’injecter de l’insuline et souhaitait vivre comme « un jeune comme les autres ». Aussi venait-il irrégulièrement aux « cours » d’éducation et fumait-il de plus en plus. Il nous fallut plusieurs mois pour prendre la mesure des principaux éléments en jeu : le travail « normal » de l’adolescence, le deuil du couple parental parfait (parents divorcés peu après la découverte de sa maladie), le jeu avec la mort. C’est après avoir évoqué avec lui ces thèmes tout en acceptant de reconnaître son besoin d’auto- nomie et de normalité, tout en discutant de ses idoles du rap, que cette infirmière réussit à faire en sorte que cet adolescent se réapproprie sa maladie et son traitement. Quelques cas cliniques

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