Le diabète et sa psychologie

SAVOIRQ 26 Janvier/Février/Mars 2013 – Petite Enfance n° 18 – santé log L’écoute est indispensable. Devant une maladie chronique pouvant résister aux traitements et à risque de redoutables complications, pour le sujet diabétique et ses proches, en attendant la mise au point de cellules capables de recons- truire les cellules pancréatiques défectueuses ou de thérapies géniques modifiant le génome, pro- bablement d’ici une vingtaine d’années, c’est l’angoisse et la dépression qui prédominent. Ce sont elles qui doivent donc être écoutées, c’est- à-dire reçues, contenues et accompagnées par un psychiatre ou un psychologue. Le risque de dépression Les différents mécanismes de défense du patient ou de son entourage peuvent vite se révéler excessifs, néfastes aux modalités d’auto-sur- veillance et d’auto-traitement au fil du temps etpeuvent mener à la dépression. Les expé- riences de plaisir semblent interdites ou loin- taines, sans perspective de « pouvoir lâcher prise » alors que notre civilisation prône cette atti- tude. J’insisterai ici sur la dimension dépressive. Elle est connue de longue date de la psychiatrie qui parlait même de diabète « consomptif », (c’est-à-dire de dépérissement mélancolique) et évoquait les risques délirant et hallucinatoire. Cela a été revisité par la notion de « dépression essentielle » des psychosomaticiens de l’Ecole de Paris. Cette dernière est à entendre comme un ensemble de réactions thymiques proches de celles de l’abandonnisme, liées à une déliaison pulsionnelle, sans sentiments conscients de culpabilité et sans auto-accusations. Se dévelop- pant de manière « masquée », cette dépression tire son origine dans un abaissement du tonus des pulsions de vie né au sein des relations bébé/ mère perturbées par une inadéquation entre les besoins de l’un et les réponses de l’autre. Mais personne ne pourra éviter au sujet de craindre les complications de sa maladie, tou- jours présentes comme une « épée de Damo- clès » au-dessus de sa tête. Le psychiatre ou le psychologue-analyste devra, bien sûr, pouvoir y faire face avec le plus de séré- nité et d’authenticité possible s’il souhaite que son patient puisse en faire autant. Y compris, au- delà des absences non-averties et non-excusées aux séances prévues ou des attaques agressives contre sa personne ou le cadre psychothéra- pique. En attendant, le diabétique vit inexorable- ment 24h sur 24 avec sa maladie et son matériel de soins et ne peut s’abstenir d’y penser...Il est condamné à être son propre médecin et sa propre infirmière. Ce qui me conduit au second point, la prise en charge contraignante instaurée. L’auto-surveillance quotidienne constitue une épreuve répétant le traumatisme initial. Tout semblait fonctionner bien et, d’une minute à l’autre, on s’est retrouvé étiqueté malade. Faut-il soigner son corps anormal ou résister au corps médical ? Peut-on « marchander » son traite- ment ? Dompter sa maladie ou faire la part de ses facteurs inconscients ? Se plier à des séances de thérapie de conditionnement comportemental et cognitif ou aller frapper à la porte d’un cabinet de psychanalyste ? A qui donner sa confiance ? Devant ces dilemmes, en général, le sujet ne manque pas d’ambivalence. C’est la moindre de sa liberté. D’autant que se surveiller chaque jour, accomplir une activité physique quotidienne- ment, se piquer le doigt et s’injecter de l’insuline peuvent vite devenir fastidieux. A ce sujet, il n’est pas sûr que les nouveaux dispositifs d’auto-sur- veillance imitant le design des i-pods ou des i-phones ne finissent pas aussi, après quelques mois d’attrait pour la nouveauté et leur aspect « gadget », par lasser, puisque, à ce jour, demeure la nécessité des injections, à l’instar d’un toxico- mane. Sur ce point, je noterai juste que si on avait une personnalité apte à devenir « junkie », cela peut, au moins dans un premier temps, sembler plus facile, alors que si ce n’était pas le cas, les choses sont beaucoup plus compliquées. Quoiqu’il en soit, suivre un régime, tenir un cahier de surveillance et limiter sa consommation de tabac et/ou d’alcool n’est guère facile. De même qu’accepter la perspective de se faire ré-hospitaliser. Sans parler des sensations de faim répétées et de la tendance à prendre du poids, comme des risques d’amputation et de cécité. C’est la compliance du patient qui est ici mise à l’épreuve, un thème qui a fait l’objet d’un dossier de la revue « Soins à domicile » (cf. SAD, 2012/N°26-27 : « Le soignant face au refus de soins »). >>> • déni, • régression, • repli, • passivité, • exigences de réparation, • sentiments récurrents d’insatisfaction des thé- rapeutiques préconisées, • agressivité, • surinvestissement psychique du pancréas, • idéalisation des connaissances médicales ou, au contraire, rejet, • obsessions sur l’heure des repas, • attentes d’un remède-miracle, • pensées suicidaires. Les mécanismes de défense du patient diabétique et de sa famille

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