L’alimentation limitée dans le temps remodèle de manière bénéfique l’expression des gènes dans tout le corps, conclut cette recherche menée au Salk Institute (San Diego). L’étude, publiée dans la revue Cell Metabolism, révèle que la régularité de l’apport calorique synchronise les rythmes circadiens sur plusieurs systèmes du corps. Alors que de nombreuses études ont décrit les avantages pour la santé d’une alimentation limitée dans le temps, ou jeûne intermittent, que la restriction alimentaire a été associée à une augmentation de la durée de vie, c’est l’une des premières études à décrypter comment le jeune intermittent affecte le corps au niveau moléculaire.
Ici, les scientifiques du Salk décryptent chez la souris comment une alimentation limitée dans le temps influence l’expression des gènes dans plus de 22 régions du corps et du cerveau. Alors que l’expression génique est le processus par lequel les gènes sont activés et réagissent à leur environnement en créant des protéines, ces travaux contribuent à expliquer les effets, pour la plupart bénéfiques, du jeûne intermittent. Avec des implications possibles pour un large éventail de problèmes de santé où l’alimentation à durée limitée peut offrir des avantages significatifs, dont le diabète, les maladies cardiaques, l’hypertension et le cancer.
Le jeûne intermittent pour repousser de nombreuses maladies chroniques
L’étude documente ainsi « l’impact moléculaire à l’échelle du système de l’alimentation limitée dans le temps ». Menée sur la souris, ses résultats engagent à mieux comprendre les effets de telles interventions nutritionnelles sur les gènes connus comme impliqués dans des maladies spécifiques, notamment dans le cancer.
2 groupes de souris ont reçu le même régime alimentaire riche en calories. Un groupe a eu libre accès à la nourriture. L’accès à la nourriture de l’autre groupe était limité à une fenêtre d’alimentation de 9 heures par jour. Après 7 semaines, l’analyse d’échantillons de tissus prélevés sur 22 groupes d’organes (foie, estomac, poumons, cœur, glande surrénale, rein, intestin et de différentes zones du cerveau), à différents moments de la journée ou de la nuit a permis de détecter un certain nombre de modifications génétiques. Cette analyse révèle que :
- 70% des gènes de souris réagissent à une alimentation limitée dans le temps ;
- en modifiant la plage de l’alimentation il est possible modifier l’expression des gènes non seulement dans l’intestin ou le foie, mais également dans des milliers de gènes du cerveau ;
- ainsi, près de 40 % des gènes de la glande surrénale, de l’hypothalamus et du pancréas ont été affectés par une alimentation de type jeûne intermittent ; les auteurs notent que ces organes sont particulièrement importants pour la régulation hormonale. Les hormones coordonnent les fonctions dans différentes parties du corps et du cerveau, et le déséquilibre hormonal est impliqué dans de nombreuses maladies, du diabète aux troubles de stress ;
- tous les segments du tube digestif n’apparaissent pas affectés de la même manière. Alors que les gènes impliqués dans les deux parties supérieures de l’intestin grêle – le duodénum et le jéjunum – activés par une alimentation limitée dans le temps, l’iléon, à l’extrémité inférieure de l’intestin grêle, ne l’était pas. Cette découverte pourrait ouvrir une nouvelle voie de recherche sur les effets d’un décalage de l’horloge biologique sur le risque de maladies digestives et les cancers ;
- enfin l’alimentation limitée dans le temps permet de réaligner les rythmes circadiens de plusieurs organes du corps : « les rythmes circadiens sont présents dans chaque cellule. « Nous montrons que ce type d’alimentation synchronise les rythmes circadiens et les organise en 2 vagues principales : une pendant le jeûne et une autre juste après avoir mangé. Nous pensons que cela permet au corps de mieux coordonner différents processus ».
Ces résultats, certes préliminaires, apportent des indices sur la façon dont une alimentation restreinte peut aider à prévenir les maladies liées à un dérèglement de l’horloge, comme certains cancers.
Les chercheurs soupçonnent également un impact possible de ce jeûne intermittent sur l’athérosclérose, un précurseur des maladies cardiaques et des accidents vasculaires cérébraux, ou sur la maladie rénale chronique.
Source: Cell Metabolism 3 Jan, 2022 DOI: 10.1016/j.cmet.2022.12.006 Diurnal transcriptome landscape of a multi-tissue response to time-restricted feeding in mammals
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