Si les études se multiplient sur les implications du microbiote intestinal, y compris sur le cerveau via le fameux axe intestin-cerveau, la science n’en est qu’à ses balbutiements sur les avantages possibles de nutriments spécifiques sur la santé cognitive.
Améliorer la recherche sur l’alimentation et la démence, c’est la mission de ce groupe d’experts de la Keck School of Medicine de l’Université de Californie du Sud (USC) qui a analysé les études publiées sur le sujet. Les conclusions, présentées dans le Lancet Healthy Longevity, révèlent le grand besoin de méthodologies approuvées à la fois pour les études portant sur les bénéfices cognitifs possibles de l’alimentation en population générale, mais aussi sur les bénéfices de régimes ciblés pour des groupes de patients en particulier.
Au-delà, la méta-analyse confirme l’alimentation un facteur possible de santé cognitive.
L’auteur principal, le Dr Hussein Yassine, professeur agrégé de médecine et de neurologie à la Keck rappelle que de multiples études observationnelles ont suggéré un lien entre la consommation plus faible ou plus importante de tel ou tel aliment, et le risque de démence. Mais la recherche clinique est loin d’avoir établi des preuves convaincantes des effets de régimes globaux ou de modèles nutritionnels sur la cognition.
Certains facteurs nutritionnels pouvaient apporter un bénéfice cognitif,
ont suggéré de précédentes études d’observation. Mais ce n’est pas le cas de la plupart des revues systématiques d’essais portant sur les effets cognitifs des compléments alimentaires et nutritionnels. Ainsi, ces analyses ont fréquemment mis en évidence des incohérences et des limites dans les études prises en compte. Ce groupe d’experts en nutrition, concentré ici sur la prévention de la démence recommande donc
- de nouvelles conceptions d’essais cliniques, basées plutôt sur modèles alimentaires, des outils d’évaluation génétique et nutritionnelle et des biomarqueurs reconnus ;
- de travailler aussi de manière mieux personnalisée auprès de sous-groupes à risque ciblés, identifiés par ces biomarqueurs nutritionnels ;
- de garder comme objectif principal la définition d’interventions nutritionnelles de santé publique.
« Alors que de nombreux essais ne concluent pas que manger sainement ou pratiquer l’exercice se traduit par des avantages cognitifs », souligne l’auteur, « cela suggère que ces études n’ont pas été correctement conçues ».
La revue et l’analyse de la littérature existante sur la nutrition et le risque de démence identifie en effet les principales limites des essais existants et propose un ensemble de recommandations pour améliorer les recherches futures. Si quelques résultats émergent des études existantes, comme :
une association entre la consommation de poissons gras, comme le saumon, et une incidence plus faible de la démence,
- il reste difficile de séparer les facteurs nutritionnels des autres facteurs tels que les facteurs de mode de vie ou d’autres facteurs environnementaux, comme l’accès aux soins de santé.
- les durées de suivi sont trop limitées pour que les résultats soient significatifs, et on ignore combien de temps il faut pour un facteur alimentaire donné, pour produire un effet sur la cognition ;
- lorsqu’un bénéfice cognitif est suggéré, il est rare que la quantité du nutriment spécifique nécessaire pour apporter ce bénéfice soit précisée ;
- les marqueurs sont souvent peu objectifs, l’utilisation de biomarqueurs plutôt que de tests cognitifs, étant de loin préférable ; l’imagerie cérébrale pouvant être extrêmement efficace pour suivre les changements dans le cerveau au fil du temps. Les tests sanguins ou de selles pour certains biomarqueurs, également ;
- l’apport sous-optimal d’un nutriment pourrait également être utilisé à la fois pour sélectionner des participants permettant de mieux évaluer la réponse à l’intervention ;
- les tests génétiques restent sous-employés, pourtant, ils peuvent constituer des outils efficaces : l’apolipoprotéine E4, ou APOE4, le facteur de risque génétique le plus important de maladie d’Alzheimer devrait être pris en compte, les personnes porteuses de cette variante génétique pouvant réagir différemment au régime alimentaire ;
- les connaissances émergentes sur le microbiome peuvent également faire progresser la recherche. Il devient inconcevable d’étudier les effets de l’alimentation sans étudier le microbiome et sans comprendre la relation sous-jacente entre le microbiote intestinal et la cognition (axe intestin-cerveau) ;
- enfin, la grande majorité des études se concentrent sur l’âge avancé, pourtant les interventions nutritionnelles pourraient être plus efficaces plus tôt dans la vie. Les études devraient donc ouvrir leurs échantillons aux adultes plus jeunes ;
2 approches principales sont retenues :
- concevoir de petits essais personnalisés qui tiennent compte du risque génétique des participants, de la qualité de leur alimentation et de l’analyse de leur microbiome tout en utilisant des biomarqueurs qui reflètent les fonctions cérébrales est l’une des approches retenues,
- concevoir de plus larges essais par voie électronique pour collecter plus de données, et développer des recommandations en population générale.
L’objectif de ces futurs essais ne doit pas être perdu de vue, ces études doivent apporter des résultats précis qui pourront être traduits en pratique sous forme de recommandations et d’interventions pour les patients.
Source: The Lancet Healthy Longevity 4 July 2022 DOI : 10.1016/S2666-7568(22)00120-9 Nutrition state of science and dementia prevention: recommendations of the Nutrition for Dementia Prevention Working Group
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